Tout le monde en prison, La Montagne, 15 janvier 2018.

La passion a toujours animé René Pagis. Une sorte de colonne vertébrale pour celui qui fut gendarme, puis magistrat. Et il n’a jamais mâché ses mots. Pas plus hier qu’aujourd’hui retraité et écrivain. Rencontre.

Ancien gendarme passé dans la magistrature, René Pagis a été procureur au Puy-en-Velay et à Clermont-Ferrand, jusqu’à sa récente retraite.

Dans son livre Tout le monde en prison, il pousse un cri d’indignation, « un cri nourri de frustration, d’agacement, de révolte et de sentiment d’impuissance ressenti tout au long d’une carrière de magistrat contraint de faire avec les moyens du bord. »

Qu’est-ce qui vous a motivé pour écrire ce pamphlet ?
« J’ai été frappé par l’absence totale du sujet de la justice lors des dernières campagnes électorales. N’était évoquée la justice que pour mettre en cause l’intégrité des juges. Ou alors quelques allusions pour construire des places de prison ou remettre au goût du jour les peines plancher. Sorti de ça, rien. À aucun moment, on se pose la question de savoir si on n’est pas dans une phase grave de crise pour la justice. Et surtout, on ne s’est pas posé la question de savoir ce que l’on allait faire de nos prisons.

Le sort des prisons semble beaucoup vous préoccuper. 
Elles sont surchargées. Il y a à peu près 70.000 détenus pour 58.000 places. En prison, en raison de la surpopulation, on ne fait que gérer la tranquillité. On n’impose plus grand-chose. On fait seulement en sorte que ça ne pète pas. C’est l’école de la récidive et les prisons n’ont aucun intérêt pour des gens qui ne sont pas dangereux. Il faut en évacuer un bon tiers, sortir ceux qui n’ont rien à y faire soit pour des raisons psychiatriques, soit parce que les délits commis ne sont pas dangereux.

Vous décrivez la justice dans une situation préoccupante. 
La Commission européenne pour l’efficacité de la justice nous classe au 37e rang sur 43, derrière l’Arménie et l’Azerbaïdjan, au niveau budget par habitant. C’est significatif. La précarité des moyens de justice entraîne les pouvoirs publics à passer la main à l’administratif. On l’a vu en matière de sécurité routière. Vous n’êtes plus jugés par des juges, mais par des machines, comme des ordinateurs à Rennes pour votre permis de conduire, en dehors des recours.

L’une de vos propositions est celle d’une nouvelle contrainte pénale. 
L’idée de Christiane Taubira était bonne. Mais elle a été peu appliquée par les magistrats qui lui reprochent son caractère trop théorique. Ce qu’il faut, c’est prendre la même coquille et changer le contenu. Les nouvelles dispositions comprendraient l’obligation de respecter une surveillance électronique la nuit et le week-end. Ensuite, pendant la journée, dans n’importe quel bâtiment, public de préférence, on prend le type toute la journée, on le remet un peu à l’endroit, on lui apprend la façon de rédiger un CV, on lui donne quelques notions de travail selon ses goûts et on le fait produire avec une rémunération.
Avec cet argent qu’il dégagera, et avec ce travail, on indemnisera les victimes et l’Etat pour le préjudice occasionné par l’infraction. Cela, on peut le faire à coût égal, et pour un bon tiers des détenus ».

 

Tout le monde en prison,
René Pagis

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